LE PREMIER SHOOTING PORTRAIT

On s’était dit « allez, on se fait une séance pour rire ? »

Et puis ce jour d’août est venu, et malgré la confiance et l’estime qu’on se porte mutuellement, bah on balise ! Une première reste un première..

Alors on se prépare. J’ajuste le matériel rudimentaire qui à l’époque me servait de source de lumière, Colyne organise mon salon transformé en studio photo, et Justine cherche des idées de poses sur internet. Elles s’attendent quand même à repartir d’ici avec des clichés de qualité. Et puis la plage les attend, donc on ne perd pas de temps.

Les premiers essais sont balbutiants, hasardeux, mais tout le monde se prête au jeu. On diversifie les poses, les supports, les règlages, et puis finalement très vite nous sommes très investis et davantage productifs. Nous gardons le rythme une bonne heure durant, puis vers midi nous décidons d’arrêter. Les estomacs crient famine, et la plage attend les filles.

Devant nos assiettes pleines, nous sélectionnons ensembles les clichés intéressants. Et déjà les images nous confortent dans l’idée que nous n’avons pas perdu notre matinée : les premiers résultats sont encourageants. A suivre donc avec le post traitement.

Les filles se font dorer la pilule sur la côte, et je passe mon après midi enfermé à travailler les images, faire des choix de développement, de colorimétrie, etc. Je suis satisfait. Tellement satisfait que je leur envoie aussitôt les premières photos traitées. Elles sont ravies, et moi aussi.

Plus tard ces portraits ont trouvé leur place sur mon site internet, et certains ont fait l’objet de tirages photos encadrés, et de cadeaux de Noël. La finalité de la photographie reste le tirage papier, nous en reparlerons dans un prochain article.

La « séance pour rire » est donc devenue « Première séance portrait » pour ma part. Je ne l’oublierai pas.

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LE PORTRAIT, MIROIR D’UNE COMPLEXITE

En portrait, on cherche à représenter une personne et à mettre en évidence un aspect de sa personnalité. Différents angles d’approche sont possibles, et au delà d’une photo frontale en cadrage américain ou de plein pied, on peut expérimenter beaucoup de choses.

Ici on pourrait qualifier cette photo de portrait « non-conventionnel ». En effet le cadrage s’émancipe des contraintes habituelles du portrait et embrasse des formes différentes. On peut ainsi mettre l’accent sur un trait ou une expression singulière.

En photo comme dans d’autres disciplines, on ne peut pas tout raconter. Et un individu ou un sujet recèlent une multitude de caractéristiques et d’attributs individuels particuliers. Il faut choisir ceux que l’on souhaite révéler.

Le regard et le rictus de Pauline ici sont mis en avant, et d’autres aspects de son visage et ce qu’ils renvoient sont ainsi éludés. Ce cadrage non-conventionnel permet de mettre en évidence une expression qui la caractérise particulièrement. Pauline parle peu mais bien. Elle va droit au but et ne s’embarasse pas avec les protocoles langagiers. A mons sens ce portrait le met en évidence, et les personnnes qui la connaissent devraient je l’espère, retrouver sur cette photo ce trait particulier de sa personnalité.

SHOOT LIKE W. EGGLESTON

Quoi de plus irresistible que de copier son maître ? Les jeunes footeux admirent et miment Lionel Messi, et les guitaristes singent Hendrix. C’est dans l’ordre des choses. Pour ma part j’ai admiré et admire toujours les photos de William Eggleston, sa pertinence artistique dans le choix de ses sujets, dans la façon dont il les photographiait, les couleurs et les tons qu’il produisait. Il fût l’un des premiers à employer la couleur dans la photographie, et son arrivée dans le monde de la photo a beaucoup froissé les puristes du noir et blanc à l’époque qui considéraient son art comme vulgaire et sans intérêt. Et puis il s’est imposé comme un artiste majeur. J’ai souvent bavé sur ses images de l’Amérique reculée des années 70. Son intérêt pour le banal, le vernaculaire, le « rien » m’a fasciné et me fascine toujours. J’aurais voulu comme bien d’autres être le premier à transformer une banale ampoule de plafond en image d’art, ou le contenu d’un congélateur en objet artistique débattu. Eggleston s’attacha toute sa vie artistique à photographier les trottoirs de Memphis, les parkings de supermarché ou les canettes de Coca-Cola. Finalement je trouve son travail et son approche de la photo plutôt « punk », malgré son costard légendaire et sa collection de Leicas. Aujourd’hui, shooter une rangée de caddies ou comme ici un étalage de cannettes ne recouvre plus la même impertinence qu’en 1971. Mais je le fais quand même, sans autre espoir qu’en faire un sujet d’article de blog, ou simplement pour me faire plaisir. Après tout, la photo c’est aussi une partie de plaisir.
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MON PORTFOLIO

Je présente ici un aperçu de mon travail à travers ce portfolio. Je vous laisse découvrir celui-ci en espérant qu’il soit suffisament fidèle à ma pratique de la photo.

LE PROPOS PHOTOGRAPHIQUE

On peut définir brièvement le propos photographique ainsi : c’est la raison pour laquelle le photographe a choisi de capturer une scène particulière. Et il doit être au coeur de la composition, sans quoi on propose une image molle et dénuée d’intérêt social. Soyons clair, on propose tous des images molles, ordinaires et sans ambition narrative. Mais ce qui fait qu’une photographie percute au delà des performances techniques qui lassent, c’est l’invitation à penser, à ressentir, à goûter. C’est en tout cas ce qui m’anime dans la pratique de la photo : la recherche du cliché ultime (que personne n’atteint jamais). Du cliché qui frappe, qui montre, qui raconte et qui cherche à questionner à coup de marteau.

A mon sens la photo se distingue de la littérature ou bien de la musique en racontant autrement, avec une esthétique et un langage qui lui sont propres. Et puis la photographie en dit moins, et c’est une de ses forces. Mais à travers quel prisme donc ? La composition. Le choix de l’angle, de la perspective et de la mise au point guide le regard du spectateur, et devient une forme de langage. La composition, c’est l’outil employé par le photographe pour stimuler la réflexion, provoquer une émotion. Parfois c’est le hasard d’un cadrage qui produit une image éloquente. Mais si on veut produire ce type d’image en grande quantité, alors il faut perfectionner et affiner ses compositions. Il faut réflechir à ce qui fonctionne dans une image, et aussi à ce qui fait défaut. Et plus les échecs et les leçons tirées se multiplient, plus la vigilance dans le cadrage et l’intention narrative s’imposent. Il faut une vie pour devenir Joel Meyerowitz, mais quelques mois de pratique intensive suffisent à affiner son style et commencer à se faire plaisir. Je vous y invite.